Eh Mad’moiselle, t’es charmante !

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10 h, ce matin. Je m’habille vite fait et je sors pour aller acheter une baguette et des chouquettes à la boulangerie à côté de chez moi. Le trajet entre mon immeuble et la boulangerie est de 150 m (j’ai vérifié sur Mappy). Ca me prend entre 1 et 2 minutes pour y arriver.

Et en si peu de temps, sur une aussi courte distance, j’ai été interpellée deux fois par des porcs.

Le premier cochon roulait en camionnette et s’est arrêté à côté de moi en me disant bonjour. Je pensais naïvement qu’il cherchait son chemin et je lui réponds par un gentil et souriant bonjour. Mais non, il ne cherchait rien du tout, il savait probablement très bien où il était et où il allait. Ce cher monsieur d’une soixantaine d’années s’est arrêté à côté de moi simplement pour lever ses sourcils plusieurs fois, un peu comme le loup de Tex Avery, et me regarder de haut en bas avec un grand sourire malsain, comme si j’étais un gros morceau de viande appétissant. Seriously?!

Et moi, je suis restée bloquée, sous le choc, comme à chaque fois que ça m’arrive. Je lui ai lancé un regard interloqué, puis un regard noir, et il a redémarré comme si de rien n’était. Et moi, tout ce que j’ai pensé à faire sur le moment, c’est lui offrir un petit doigt d’honneur bien senti mais tellement insuffisant… La colère a commencé à monter. On se sent tellement stupide dans ces moments-là, c’en est carrément vexant.

Je continue à avancer, je commence à imaginer toutes les insultes et les phrases désagréables et pleines de répartie que j’aurais rêvé de lui dire à ce porc, quand un de ses jeunes congénères que je croise dans la rue quelques secondes plus tard me regarde lui aussi de haut en bas et me murmure un petit « bonjour, Mademoiselle » doucereux. Vous savez, les filles, ce genre de gars qui chuchotent leurs phrases d’accroche, ces mecs qui ont l’air de gros pervers et qu’on ne voudrait surtout pas croiser la nuit dans une rue sombre. Qu’on voudrait même ne jamais croiser du tout. Et pourquoi ils murmurent, d’ailleurs ? Ils savent qu’ils vont se taper un gros vent d’avance alors ils n’osent pas parler trop fort ? Ou si on commence à leur hurler dessus, ils peuvent prétendre que non, ils n’ont rien dit, qu’on est folle ?

Et là, encore une fois, je me tais, je serre les poings et j’avance, le regard fixé sur l’entrée de la boulangerie quelques mètres plus loin, sentant la colère qui gonfle, qui gonfle, qui gonfle. J’imagine à nouveau tout ce que j’aurais pu lui dire. Je suis en colère contre eux et en colère contre moi, parce que je n’ai pas réussi à répondre, à les envoyer balader et à les remettre à leur place. Je les ai laissés me traiter comme ça totalement impunément et ça m’énerve ! Pourquoi je n’ai rien dit ?

J’achète ma baguette et mes chouquettes, tout se passe bien, je commence à me calmer un peu grâce aux sourires de la boulangère. Je rentre chez moi et juste avant d’entrer dans mon immeuble, qui vois-je ? Le premier porc, celui de la camionnette, qui s’est probablement garé dans la rue.

J’aurais pu aller le voir, lui dire ce que je pense de lui, lui hurler dessus et lui foutre la honte devant toute la rue. Ce n’est pas l’envie qui manquait. Mais je n’ai rien fait. Je l’ai juste regardé avec haine, sentant ma colère qui revenait de plus belle, l’envie de lui arracher les yeux et de lui donner un bon coup de genou là où je pense pour lui faire passer l’envie de regarder à nouveau des filles et des femmes comme il m’a regardée moi, pour l’aider à se rendre compte à quel point ce qu’il fait est dégueulasse, écoeurant, irrespectueux ! Je n’ai rien fait parce que sur le moment, ma colère était telle que je ne me sentais même plus capable de la contrôler, de me contrôler.

Et ça, ce n’était qu’aujourd’hui. Nous les filles, les femmes, on subit ça presque tous les jours (à part quand on passe la journée à la maison, quoi). Est-ce qu’on lance des regards luxurieux aux mecs qu’on croise dans la rue ou dans le métro ? Est-ce qu’on leur met la main au paquet comme si c’était normal ? Est-ce qu’on leur demande leur 06 ? Est-ce qu’on leur hurle des choses complètement indécentes ? Est-ce qu’on les siffle comme on sifflerait un chien ?

Non, à ce que je sache. Alors pourquoi tant de garçons, d’hommes, pensent que c’est normal d’avoir un comportement aussi honteux avec la gente féminine ?
Je n’ai d’ailleurs jamais compris ce à quoi ils s’attendaient… Comme si on allait se retourner vers eux et leur donner une réponse positive. La grosse blague.

Un article très bien écrit (et dessiné) par Diglee sur le harcèlement de rue.

Le machisme ambiant qui règne dans quasiment toutes les sociétés du monde m’épuise. Et plus j’en suis la victime, plus j’entends ou je lis des témoignages, des articles, des études, des pourcentages sur le sujet, plus ma colère monte. Plus j’ai envie de changer les choses. Et pas seulement sur le harcèlement de rue, mais sur toutes ces choses qui sont injustes, qui rabaissent les femmes, qui les discriminent.

Je ne sais pas exactement ce que je peux faire à mon échelle, j’ai envie de militer, de crier, de changer le monde ! Et peut-être que je le ferai un jour, j’en ai la motivation profonde. Mais je me dis que le jour où j’arriverai au moins à répondre du tac au tac aux porcs et à leur faire fermer leur clapet, j’aurai fait le premier pas. Et la suite viendra.

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